Eh ben !! Ce fût une bien belle ballade.
Nous voilà en ce matin du 28 août à Courmayeur en Italie, au départ de la TDS ( Trail des Ducs de Savoie).
1500 furieux prêts à en découdre. Pas seulement entre eux, mais plutôt chacun face aux éléments, face à cette montagne et à soit même.
Tout le monde s'est préparé pour affronter tout ça, mais dans les 10 dernières minutes avant le départ, plein d'émotions s'entremêlent : de la joie, de la crainte, le doute... Le doute de ne pas avoir la force et le courage d'aller au bout.
Et puis vient le décompte, en italien s'il vous plaît ! 10,9,8 une grande bouffée d'oxygène, 7,6,5 le sourire revient, 4,3,2, Uno et c'est parti, le speaker nous souhaite « bon voyagé ! ».
Un flot de coureuses et coureurs s'élance au rythme de la musique. Des milliers de spectateurs sont là et encouragent du premier au dernier tous ces courageux qui partent à l'assaut des montagnes. Pour ma part, le doute a laissé la place à la joie et au plaisir. Durant les premiers km et malgré le mors aux dents, j'essaie de me brider au maximum. La suite me montrera que c'est la montagne qui me bridera !
Le peloton s'étire très vite et les premiers dont Antoine sont déjà loin lorsque je passe le Col du Checrouit, l'arête du Mont Favre. La vue sur le Mont Blanc est magnifique avec un ciel bien dégagé. On en prend plein les yeux.
La descente au Lac Combal se fait au son des marmottes qui ne semblent pas trop perturbées malgré le trafic intense ce matin là. Au lac, un joueur de cor des Alpes nous joue un petit air. Puis c'est la dure montée au Col Chavannes et la descente avec mes premières douleurs intestinales.
Le raidillon juste avant le ravito du Col du petit St Bernard me fait mal aux cuisses et me fait prendre conscience que la fin va être terrible....
Toujours pleins d'encouragements, les bénévoles sont très gentils. Tout le monde est au petit soin.
Le corps commence à fatiguer mais la vue de ma petite famille me rebooste.
Maintenant, c'est la longue descente vers Bourg St Maurice, descente tranquille car je veux en garder un maximum pour la montée du Col de Forclaz.
L'arrivée à Bourg est impressionnante, toujours autant de monde, toujours autant d’encouragement.
C'est le 1° ravitaillement avec assistance. Je prends mon temps, peut-être un peu trop, mais bon, je repars en super forme. Ça va durer 15 min et ensuite, gros coup de chaud. Avec un température entre 25° et 28°, la montée du Fort de la Platte devient un calvaire, les portes de l'enfer...
Nous sommes nombreux à faire des pauses. Un coup de fil salvateur à Fabrice, un petit arrosage au Fort et c'est reparti, la fraîcheur est revenue et ayant pu m'alimenter un peu, je repars de plus belle et je passe le Passeur du Pralognan en pleine forme.
J'arrive au Cormet de Roselend où la température commence à baisser sérieusement. Pendant le ravito, on nous annonce que les 1° viennent de passer le Col du Joly ( soit 20 km plus loin).
Après m'être changé et avoir englouti une bonne soupe, je me lance à l'assaut du Col de la Sauce. Le rythme est de plus en plus lent. La réputation du parcours sauvage de la TDS prend tout son sens. Du sommet du col jusqu'au pied de La Gitte me voilà seul au monde, pas une âme. Juste moi et les éléments superbement magnifiques.
Arrivé en bas de La Gitte, et bien, il n'y a plus qu'à remonter. Je m'accroche à un groupe de 5 personnes (2 filles et 3 gars) et je me dis qu'il faut que je les suivent à tout prix. On monte à un bon rythme, imprimé par une des filles. Dans la montée, je me suis refais la cerise, et j'arrive même à donner le tempo sur une partie un peu plus plate. Nous arrivons à 2 au sommet où nous sortons les lampes frontales. Deux bénévoles sont là, dont l'un a de la famille du côté de Narbonne. J'en profite pour lui vanter les beautés du Caroux. Et nous voilà repartis.
Nous traversons un troupeau de vaches qui semblent étonnées de nous voir. Je n'ose pas imaginer ce qu'elles en pensaient !!
Et voilà le Col du Joly. Antoine est déjà passé depuis bien longtemps et me voilà dans un gros gros coup dur... J'arrive tant bien que mal au ravito où je dois mettre 10 bonnes minutes à avaler un bol de soupe. Le doute m'envahit mais j'essaie de repartir au plus vite pour rejoindre les Contamines où Sandrine m'attend pour le 2° ravito avec assistance.
Les Contamines ! Enfin !! J'arrive épuisé. Voilà maintenant 10 kilomètres que je n'ai rien mangé et rien bu. J'ai le ventre en vrac et je n'ai qu'une envie c'est de dormir. Sandrine est là, et m'oblige à me changer car je suis tout mouillé et le froid commence à me gagner sans m'en rendre compte. J'arrive à manger un petit peu et me voilà parti pour le Chalet du Truc. Là, la montée est terrible, à chaque fermeture de paupières, j'en ai la tête qui tombe, comme si je m'endormais.
Avec difficulté, j'arrive en haut en m'accrochant aux coureurs qui me passent. Et là, moi qui pensait avoir passé les portes de l'enfer dans la montée du Fort de la Platte, me voici face à une montagne où je vois plein de petites lucioles monter « dré dans l'pentu ». C'est le Col du Tricot !!
A ce moment là, je me dis sans lui en vouloir que Sandrine en m'encourageant au dernier ravito m'a envoyé au casse-pipe. C'est comme si on m'avait envoyé au front.
J'aborde le début de la montée en douceur. Un coureur est assis à côté d'une petite chapelle et me dit qu'il s'en remet à la vierge ( pour vous dire l'ambiance...).
La montée se fait dans un silence de morts, personne ne parle. A 2 ou 3 virages du sommet, seule la voix d'une bénévole nous sort de notre torpeur. Et comme tous les bénévoles du parcours, elle nous encourage et nous donne de la force pour finir.
Voilà, c'était la dernière difficulté, le moral est revenu et je peux envoyer un peu dans la descente.
J'arrive aux Houches et les 8 derniers kilomètres s'annoncent. Nous repartons à 2. Lui me tire sur les parties montantes et j'arrive à courir et le tirer sur les parties plates.
En meilleur forme que moi, je le regarde partir à 3 km de l'arrivée. Je donne tout pour essayer de m'approcher des 23 h de course.
J'arrive dans Chamonix, l'aube est en train de s'installer et je devine le Mont Blanc. Des lève-tôt sont là pour applaudir les finishers, dont Christophe. Il se reconnaîtra et j'excuse auprès de lui de ne pas avoir été enthousiaste, mais j'étais tellement embrumé que je ne l'ai pas reconnu.
Ça y est ! L'arrivée est à quelques mètres.
Sandrine et mes petits bouts sont là ! La délivrance est proche. J'ai l'impression de sprinter et de courir à une bonne allure. Le film d'arrivée me prouvera le contraire...
Enfin, je passe la ligne et les applaudissements n'arrivent pas à dissiper un sentiment de fatigue et de dégoût. J'ai mis du temps à sortir de ma bulle et après quelques heures je prends enfin conscience de l'exploit réalisé par tous les finishers, ainsi que celui d'Antoine qui est à des années lumières de ma performance. Quel champion !!!
Après quelques jours, le dégoût est passé et la question qui revient sans cesse est : à quand la prochaine ?
En tout cas, je tiens à remercier tous les gens qui m'ont soutenu et encouragé tout au long de ma préparation et de la course. Les bénévoles et spectateurs qui tout au long du trajet m'ont encouragé et donné la force de continuer.
Un gros BRAVO à ANTOINE pour sa superbe course.
Je ne sais pas si ce récit vous aura fait peur ou au contraire donner envie de participer à la TDS, mais des moments comme ceux là restent gravés à vie au fond des tripes.
Bises à tous et vive le trail !!!